Merete Larsen

de

Roland Blaettler


 
"J'aime le contraste entre cette pièce de bois massive que je fixe sur mon tour et l'objet délicat et diaphane qui en surgit après des heures et des heures de tournage".

Quand on approche Merete Larsen on perçoit d'abord une énergie, un caractère, une volonté. Quelqu'un qui a l'air de savoir où elle va, car elle est toujours en train d'aller quelque part... Passée cette impression première d'agitation impatiente, on découvre que ce bouillonnement est guidé par une sensibilité, une capacité de concentration et une exigence très aiguës.

Toutes ces qualités se retrouvent également dans son parcours personnel et dans son aeuvre. De l'énergie et de la force de caractère, il en a fallu pour construire une vie à partir de ce simple plaisir de vivre parmi les arbres. En choisissant des métiers aussi ardus et exigeants que celui d'ébéniste, puis de restauratrice de meubles anciens. Apprendre à dompter le bois pour le mettre à notre service, a soigner ses blessures parce qu'on s'y est attaché. Mais surtout apprendre à connaître le bois, au point de vouloir l'entraîner dans une aventure plus personnelle.

Ainsi, depuis dix ans, Merete Larsen tourne le bois. Des essences familières, comme le frêne, le hêtre ou le sycomore, qu'elle travaille avec les outils les plus simples. Mais avec un savoir-faire et une intelligence de la matière qu'elle n'a cessé d'affiner; dans la pratique et dans l'action, avec cette vigilance respectueuse qui s'impose quand on veut empoigner un matériau vivant.

Par défi et par plaisir, Merete a donc entrepris ce nouvel apprentissage, dans la solitude de son atelier. II y fallait de la force et de l'endurance physique. De la patience aussi et une grande réceptivité, pour acquérir cette faculté intuitive qui lu permet aujourd'hui - en débitant un arbre à la tronçonneuse - d'anticiper les effets qu'elle pourra tirer de tel ou tel morceau de tronc. D'emblée elle s'était fixé un objectif clair et net: extraire de ces morceaux d'arbres bruts et massifs les formes les plus pures, et les plus fines. Bref, pousser le processus du tournage jusqu'à ses limites extrêmes, jusqu'à ce que le bois ne mesure plus qu'un millimètre d'épaisseur et qu'il ne puisse même plus retenir la lumière (comme ces porcelaines du XVllle siècle que Merete affectionne tant). Avec les années, ses formes sont devenues toujours plus amples et plus maîtrisées. Leur présence monumentale contrastant avec leur infinie légèreté.

La démarche de Merete Larsen est guidée par un parti pris clairement énoncé: la recherche de la perfection formelle. Son vrai talent consiste à façonner des formes parfaites -aussi parfaites (tue Possible - mais oui ne se figent pas dans l'épure. Parce que le geste décidé, précis et parfaitement contrôlé n'est pas ici une fin en soi. II n'est que le moyen ce révéler et de célébrer le mystère de la matière. Par la grâce de cette translucidité magique qui au coeur même de la perfection formelle laisse transparaître les structures secrètes de la matière organique, le filigrane chaotique de la vie. Et quand Merete se prend à vouloir mettre de la couleur sur ses formes, ou un motif pyrogravé, elle le fait sans contrarier cette translucidité, ni étouffer la texture du bois. Dompté, visité jusque dans son intimité, le matériau n'est jamais dépouillé de son identité.

La tension vivante qui habite ce travail - au-delà du pur plaisir esthétique - vient de l'apparente ambiguïté d'une démarche rigoureusement assumée qui semble tendre vers l'immatérialité, dans le but non pas de nier la matière, mais au contraire de la magnifier et de l'affirmer en lui assurant une présence à la fois subtile et puissante., Merete Larsen parle de son travail avec la modestie de l'artisan. Mais il y a dans ces sublimes récipients quelque chose qui va au-delà du tour de force, et que nous n'essaierons pas de nommer

Roland Rlaettler
Conservateur Musée Ariana,
Geneve