"J'aime le contraste
entre cette pièce de bois massive que je fixe sur mon tour et
l'objet délicat et diaphane qui en surgit après des heures et
des heures de tournage".
Quand on approche Merete Larsen on perçoit d'abord une
énergie, un caractère, une volonté. Quelqu'un qui a l'air de
savoir où elle va, car elle est toujours en train d'aller
quelque part... Passée cette impression première d'agitation
impatiente, on découvre que ce bouillonnement est guidé par
une sensibilité, une capacité de concentration et une exigence
très aiguës.
Toutes ces qualités se retrouvent également dans son
parcours personnel et dans son aeuvre. De l'énergie et de la
force de caractère, il en a fallu pour construire une vie à
partir de ce simple plaisir de vivre parmi les arbres. En
choisissant des métiers aussi ardus et exigeants que celui
d'ébéniste, puis de restauratrice de meubles anciens.
Apprendre à dompter le bois pour le mettre à notre service, a
soigner ses blessures parce qu'on s'y est attaché. Mais surtout
apprendre à connaître le bois, au point de vouloir
l'entraîner dans une aventure plus personnelle.
Ainsi, depuis dix ans, Merete Larsen tourne le bois. Des
essences familières, comme le frêne, le hêtre ou le sycomore,
qu'elle travaille avec les outils les plus simples. Mais avec un
savoir-faire et une intelligence de la matière qu'elle n'a
cessé d'affiner; dans la pratique et dans l'action, avec cette
vigilance respectueuse qui s'impose quand on veut empoigner un
matériau vivant.
Par défi et par plaisir, Merete a donc entrepris ce nouvel
apprentissage, dans la solitude de son atelier. II y fallait de
la force et de l'endurance physique. De la patience aussi et une
grande réceptivité, pour acquérir cette faculté intuitive
qui lu permet aujourd'hui - en débitant un arbre à la
tronçonneuse - d'anticiper les effets qu'elle pourra tirer de
tel ou tel morceau de tronc. D'emblée elle s'était fixé un
objectif clair et net: extraire de ces morceaux d'arbres bruts
et massifs les formes les plus pures, et les plus fines. Bref,
pousser le processus du tournage jusqu'à ses limites extrêmes,
jusqu'à ce que le bois ne mesure plus qu'un millimètre
d'épaisseur et qu'il ne puisse même plus retenir la lumière (comme
ces porcelaines du XVllle siècle que Merete affectionne tant).
Avec les années, ses formes sont devenues toujours plus amples
et plus maîtrisées. Leur présence monumentale contrastant
avec leur infinie légèreté.
La démarche de Merete Larsen est guidée par un parti pris
clairement énoncé: la recherche de la perfection formelle. Son
vrai talent consiste à façonner des formes parfaites -aussi
parfaites (tue Possible - mais oui ne se figent pas dans
l'épure. Parce que le geste décidé, précis et parfaitement
contrôlé n'est pas ici une fin en soi. II n'est que le moyen
ce révéler et de célébrer le mystère de la matière. Par la
grâce de cette translucidité magique qui au coeur même de la
perfection formelle laisse transparaître les structures
secrètes de la matière organique, le filigrane chaotique de la
vie. Et quand Merete se prend à vouloir mettre de la couleur
sur ses formes, ou un motif pyrogravé, elle le fait sans
contrarier cette translucidité, ni étouffer la texture du bois.
Dompté, visité jusque dans son intimité, le matériau n'est
jamais dépouillé de son identité.
La tension vivante qui habite ce travail - au-delà du pur
plaisir esthétique - vient de l'apparente ambiguïté d'une
démarche rigoureusement assumée qui semble tendre vers
l'immatérialité, dans le but non pas de nier la matière, mais
au contraire de la magnifier et de l'affirmer en lui assurant
une présence à la fois subtile et puissante., Merete Larsen
parle de son travail avec la modestie de l'artisan. Mais il y a
dans ces sublimes récipients quelque chose qui va au-delà du
tour de force, et que nous n'essaierons pas de nommer