Merete Larsen

by

Pascale Nobécourt


 

Avec sa simplicité énergique, Merete Larsen transporte à l’aide de harnais et palans, un bloc de hêtre de trois cents kilos dans son atelier et change cette matière brute en une coupe translucide que l’on soulève d’une main. La légèreté inouïe de ses pièces est devenue la marque de fabrique de cette ébéniste danoise qui a découvert l’usage du tour en apprenant la restauration de meubles anciens. Formée au Danemark puis en Angleterre, elle travaille un temps au Victoria & Albert Museum puis rejoint l’ébéniste Ben Norris, dans son atelier du New Hampshire. Quatre ans plus tard, elle s’établit à son compte et sillonne l’Europe au volant d’une camionnette équipée en atelier, s’arrêtant ici ou là pour restaurer les meubles de collectionneurs. Chemin faisant, Merete Larsen regarde beaucoup les musées. Admirant un jour des coupes en porcelaine, elle se découvre l’envie de faire des bols. Les siens seront en bois, matériau qu’elle connaît sur le bout des doigts. Elle s’achète un tour en 1992 et entreprend seule d’explorer le tournage, influencée par la quête de finesse des premiers travaux de Jim Partridge. Munie de quelques gouges et de son tour simple et robuste, Merete Larsen élimine couche après couche au fil des heures et pousse l’épure le plus loin possible : l’épaisseur de la pièce s’amenuise jusqu’à la transparence. La lumière d’une lampe placée derrière l’objet sert de repère et lui permet d’évaluer quand arrêter son geste avant qu’il soit fatal. Evanouis en copeaux, les 20 kilos de départ deviennent une coupe poids plume pesant à peine 100 grammes. Légères comme le papier, douces comme la peau, ses pièces ont la fragilité émouvante d’une membrane. La vie du bois s’y lit dans leurs veines en filigrane. Leurs parois d’un millimètre leur confèrent une grande souplesse qui les met à l’abri des tensions internes. « Elles peuvent bouger avec la chaleur, mais ne se fendront pas », précise l’artiste. Merete Larsen utilise des essences locales comme le hêtre ou le chêne, vert ou sec, souvent des rebuts. Sa connaissance du matériau est telle qu’elle devine aisément quel parti tirer des accidents naturels : le dessin offert par la trace d’un champignon, le motif d’une moisissure. Depuis quelques années, son expérience des patines dans la restauration de meuble, l’a poussée à tester de nouvelles finitions. Ses bols se sont couverts de couleurs vives, jaune éclatant, vert pomme, turquoise. Ou ce magnifique rouge, résultat d’une gomme-laque patiemment appliquée en quarante couches ! Certaines surfaces prennent un aspect métallique. « Parfois, les visiteurs pensent que c’est de la terre », dit Marianne Brand qui présentait l’artiste en mars dernier pour la septième fois dans sa galerie de Carouge. En un peu plus de dix ans, le travail de Merete Larsen a conquis les meilleures galeries américaines comme Del Mano ou Patina, a été présenté plusieurs fois au Sofa et rejoint les collections du Museum of Craft and Design de New York. En 2002, le Musée des arts appliqués de Copenhague lui a consacré une grande exposition personnelle. Deux ans plus tard, elle a fait partie des quelques artistes triés sur le volet pour créer un cadeau officiel pour le mariage du Prince du Danemark.

 

Pascale Nobécourt

Paru dans la revue Ateliers d’Art, No 63, mai/juin 2006 (www.ateliersdart.com)